L’Union européenne adopte de plus en plus une attitude pro-militaire suite à l’influence grandissante du lobby des armes. L’élection d’Antonio Tajani, le 17 janvier 2017, au poste de Président du Parlement européen montre bien que l’influence de l’industrie de l’armement va continuer à croître dans les prochaines années, prévient Bram Vranken.
Bram Vranken est militant et chercheur à l’organisation pacifiste belge Vredesactie.
Le 17 janvier 1961, le président américain Dwight Eisenhower mettait en garde contre les dangers du complexe militaro-industriel :“Nous devons veiller à empêcher le complexe militaro-industriel d’acquérir une influence injustifiée dans les structures gouvernementales, qu’il l’ait ou non consciemment cherchée. Nous nous trouvons devant un risque réel, qui se maintiendra à l’avenir : qu’une concentration désastreuse de pouvoir en des mains dangereuses aille en s’affermissant”.
Cinquante six ans plus tard exactement, l’avertissement d’Eisenhower est plus émouvant que jamais. Le mardi 17 janvier, Antonio Tajani, réputé pour sa position dans l'industrie des armes, a été élu nouveau président du Parlement européen.
En 2013, celui-ci déclarait qu'il voulait promouvoir l'industrie de l'armement. En tant que commissaire européen, il a présenté plusieurs schémas politiques visant à «renforcer l'industrie européenne de la défense».
Ce n'est pas un hasard si Tajani est président honoraire de l’intergroupe Sky and Space, qui est hébergé par l'Association des Industries Aérospatiales et Défenses de l'Europe (ASD), le groupe de pression le plus important de l'industrie européenne de l'armement.
De l’argent pour les armes, pas pour la sécurité sociale.
Et de l’UE de prendre un tournant vers le pire. En effet, en novembre, la Commission européenne a proposé un plan d'action européen pour la défense. L'objectif de ce plan est de « se concentrer sur les besoins en capacités et de soutenir l'industrie européenne de la défense ». Il n'est pas surprenant que le Plan d'action européen pour la défense reflète presque exactement les propositions formulées par ASD Europe dans un document de positionnement publié en juillet.
Les mesures proposées compromettent gravement l'UE en tant que puissance civile. Effectivement, la Commission souhaite octroyer 3,5 milliards d'euros à l'industrie de l'armement pour développer de nouvelles technologies militaires à partir de 2021. En outre, la Commission propose de stimuler les États membres afin qu’ils dépensent davantage pour la défense en déduisant les coûts des programmes d'armement coopératifs de leurs déficits budgétaires.
En d'autres termes, alors que les États membres sont obligés de réduire leurs dépenses en matière de sécurité sociale, d'éducation et de soins de santé, les dépenses consacrées aux armes seraient exemptées de toute discipline budgétaire. Alors que des millions d'Européens ont souffert de dénuement et de pauvreté en raison des mesures d'austérité sévères, la Commission européenne propose maintenant cyniquement de donner des milliards d'euros à l'industrie de l'armement.
Niveau zéro de la vision politique
Personne ne sait où ces armes seront utilisées. La politique étrangère commune existe à peine. Les États membres sont profondément divisés sur la manière de s'attaquer aux crises au Moyen-Orient. Sans une vision stratégique, le financement des programmes militaires ne servira que l'intérêt à court terme de l'industrie de l'armement.
Mais c'est exactement l'objectif de la Commission européenne. "L'Union européenne a besoin d'une industrie de l'armement forte et compétitive", est le mantra que la Commission européenne répète encore et encore.
L'UE est confrontée à des problèmes aveuglants auxquels elle ne parvient pas à faire face. Le populisme est en hausse, la classe moyenne est en crise, les inégalités n'ont jamais été aussi criantes et nous sommes confrontés à une crise climatique catastrophique. Aucun de ces problèmes ne sera résolu en investissant davantage dans l’ armement.
Au contraire, les dépenses militaires constituent un coût énorme au détriment de milliards de personnes dans le monde. Selon l'institut de recherche SIPRI, seuls 10% des dépenses militaires mondiales suffiraient à fournir une éducation gratuite et de qualité (objectif de développement durable 4).
Pour éradiquer la pauvreté et la faim (ODD 1 et 2), 10% des budgets militaires globaux seraient suffisants. Tous les ODD pourraient être accomplis pour moins de la moitié du budget militaire mondial.
Eisenhower a poursuivi son discours en 1961 en disant que “Seul un ensemble uni de citoyens vigilants et conscients réussira à obtenir que l’immense machine
industrielle et militaire qu’est notre secteur de la défense nationale s’ajuste sans grincement à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, pour que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble”.
Qu'un député européen en faveur de l'industrie de l'armement dirige actuellement l'organe représentatif des citoyens européens est extrêmement inquiétant.
Article original en anglais